Tripoli, Une histoire revisitée

Par Sara Ait Lahmidi
Tripoli a su garder l'empreinte des civilisations qui l’occupèrent DR
Tripoli a su garder l'empreinte des civilisations qui l’occupèrent DR

Capitale de la Libye mais également sa plus grande ville, Tripoli ou anciennement Tarablus al-Gharb est le centre économique du pays.

Sise entre mer et désert et grâce à la qualité de son site portuaire et à sa position de relais entre l’Égypte et le Maghreb ainsi qu’entre le Sahara et la Méditerranée, Tripoli a acquis le statut du plus grand centre industriel et commercial libyen grâce à son site portuaire exceptionnel.

Siège du gouvernement et ville universitaire, la ville, située au nord-ouest du pays, est à la fois moderne et ancrée dans la tradition.

Ville attrayante toujours chérie des voyageurs, qui combine la langueur méditerranéenne et l’animation des villes orientales, celle que l’on surnommait la «Blanche Mariée de la Méditerranée» puis «La Havane de l’Afrique du Nord», est forte d’une histoire mouvementée.

 

Une histoire mouvementée 

 

Située au nord-ouest du pays, la première ville constituant la future Tripoli, qui se nomme alors Oea, est fondée par les Phéniciens au VIIe av. J.-C. 

Quelques siècles après, avec deux villes supplémentaires bâties à proximité, la contrée prend le nom de Regio Tripolitana. Comptoir phénicien, puis carthaginois, romain et byzantin, la ville est conquise en 643 par les Arabes. Elle est intégrée aux califats, depuis la dynastie Omeyyade jusqu’aux Hafsides.

Conquise en 1510 par les Espagnols puis, en 1530, par les chevaliers de Malte, avant d’être prise par les Ottomans en 1551, Tripoli s’est développée grâce au commerce caravanier transsaharien.

Ainsi, la société qui se développe sous les Ottomans est marquée par une grande diversité. Des commerçants de différentes origines, chrétiens, juifs du Maghreb ou de la péninsule Ibérique s’installèrent à Tripoli.

De 1710 à 1835, c’est la dynastie locale des Karamanli qui s’émancipe de l’administration ottomane, tout en restant dépendante de l’Empire. Les Karamanlis ont pendant plus d’un siècle conservé un pouvoir héréditaire.

Toutefois, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, Tripoli est l’objet d’un programme de modernisation administrative et urbaine. En effet, face à la menace coloniale, les Ottomans décident de négocier le retour à une administration directe. 

Ensuite, c’est autour des Italiens d’établir une colonie en Libye. La ville, prise en 1911, connaît un programme d’extension jusqu’à la chute du fascisme. En 1951, à la suite de l’indépendance de la Libye, Tripoli devient la capitale du nouvel État.

Sous le régime du colonel Kadhafi (1969-2011), la ville connaît une croissance urbaine notable. Face à la croissance démographique (1,8 million d’habitants en 2011), le patrimoine de Tripoli ainsi que ses infrastructures de transport et d’urbanisme ont fait l’objet d’une importante rénovation.

Scène de combats de rue et de bombardements au cours de la guerre qui a conduit à la chute du régime du colonel Kadhafi en 2011, de nombreux édifices de Tripoli ont été affectés. 

Par conséquent, face à l’instabilité dans le pays et la précarité de sa capitale, la population de la ville a fortement décru.

 

Des monuments historiques incontournables

 

Tripoli qui a gardé l’empreinte des civilisations qui l’occupèrent, regorge de potentialités. Sa médina, véritable dédale où l’on croise des marchés, cache de splendides édifices.

Les mosquées attestent d’une part des liens unissant la ville au monde islamique alors que les divers monuments reflètent une certaine diversité culturelle.

Durant le XVIII siècle, Tripoli voit éclore un modèle architectural de mosquée qui combine plusieurs influences notamment ottomane et tunisienne.

D’une part, la fondation religieuse édifiée par Aḥmad Bāšā en 1738 occupe une parcelle de forme presque carrée sur une surface de 2250 m². Le complexe comporte une madrasa et un mausolée qui s’articule autour de la salle de prière.

D’autre part, c’est sous le règne de Yūsuf Bāšā al-Kāramānlī que Muṣtafà Gurğī édifia en 1833 le second complexe architectural de la Régence de Tripoli.

Sans doute, le monument le plus imposant de Tripoli est l’emblématique forteresse appelée «As Saraya al-Hamra», dont le nom provient de la couleur ocre qui recouvre les murs intérieurs.

Situé au centre de la médina, le château, principal vestige du système défensif mis en place au 16ème siècle par les Espagnols, a été embelli par les chevaliers de Malte puis par les Ottomans. 

Érigé en Musée national, ou, sous Kadhafi, musée de la Jamahiriya, ce monument abrite une des plus importantes collections d’Afrique du Nord qui couvrent toutes les périodes historiques depuis l’âge de pierre. Pas très loin de là, se trouve l’église Saint-Georges, plus vieille église orthodoxe en Afrique du nord, datant de 1647.

A l’entrée nord-est de la Médina se dresse l’arc de Marc-Aurèle. Cet arc de triomphe quadrifrons, témoin de la rivalité des puissances avides de s’emparer du pays, fut élevé au 2ème siècle après J.-C. Entièrement construit en marbre blanc au croisement perpendiculaire des deux rues principales de la ville: le Cardo maximus et le Decumanus summus, l’arc a survécu au lieu de s’assoupir sous les sables puisque la ville fut occupée en continue.

Par ailleurs, la place des Martyrs, aménagée durant la période coloniale italienne à l’emplacement d’un marché aux pains et baptisée «Piazza Italia», est considérée comme un des hauts-lieux de la vie politique libyenne. 

En 1951, la place est rebaptisée «place de l’Indépendance» et conserve ce nom durant toute la période monarchique. Ensuite, elle est rebaptisée «place Verte» au moment de la révolution du Fateh, en 1969.

En effet, c’est sur cette esplanade que sont célébrés tous les grands événements du pouvoir dont les défilés militaires et les discours du «Guide».

Pendant la Guerre civile de 2011, la place devient une des tribunes des sympathisants du régime, mais également le lieu de rassemblements et de manifestations populaires.

Plusieurs institutions sont situées sur la place, parmi lesquelles l’ancien Congrès général du peuple et la Banque centrale libyenne. 

 

Des sites en péril

 

Durant la révolution de 2011, cibles de vandalisme délibéré et soumis aux risques de pillage, plusieurs coins de la ville ont été délaissés ou se sont transformés en constructions anarchiques, voire en ruines.

Tel est le cas du mausolée d’al-Chaab al-Dahmani à Tripoli, qui a été détruit à coups de pelleteuse par des extrémistes qui ont également profané le tombeau de ce sage, lieu de pèlerinage pour certains musulmans, notamment les soufis.

En 2014, l’Unesco a condamné les actes de vandalisme contre plusieurs mosquées de Tripoli, notamment la mosquée Karamanli.

Face à ce constat, plusieurs travaux de rénovation ont été initiés. Ces travaux interviennent au moment où le pays connaît une embellie politique, après une décennie de conflit.

Dar Crista, le musée national de Tripoli et autres sites font l’objet de restauration progressive visant à ressusciter l’âme de la ville afin qu’elle retrouve son lustre d’antan.