
Au fil des années, le thé est devenu une véritable boisson nationale pour les Mauritaniens, toutes communautés confondues, avec un accent plus prononcé chez les hassaphones.
Un regard sur les éphémérides racontées à travers une histoire basée sur de nombreux recoupements et vérifications, permet d’établir un consensus sur l’introduction de cette espèce de potion magique dans la vie et les habitudes des populations nomades de la Mauritanie.
Les Mauritaniens, à quelques rares exceptions près, sont de véritables accros au thé qui a été introduit vers 1860 dans le Nord du pays, en provenance du Maroc.
D’abord réservé à une élite, il est devenu, depuis l’indépendance, la boisson de tout rituel qui rythme la vie mauritanienne», a constaté la journaliste Jeanne Mathis, à travers une chronique datant de l’année 2018.
Le thé, une enclave de rituels
Au tout début, le thé était encore considéré comme un luxe, une boisson réservée à la crème de la société, mais, les choses ont beaucoup évolué depuis. Le thé chaud à la menthe, plus concentré que le «thé» marocain, est devenu un compagnon indispensable pour toutes les familles mauritaniennes.
Il est servi plusieurs fois par jour chez la population «hassanophone», alors que les populations originaires de la vallée du fleuve Sénégal font au moins deux séances de thé par jour.
Préposée au thé dans une grande famille venue du Nord du pays, Vatimetou mint Ahmed témoigne: «je sers le thé plusieurs fois en 24 heures. Je ne compte pas le nombre de séances, car il n y a aucune limite légale, sociale, sociologique, ou sanitaire. Ma théière et mes verres sont prêts à chaque fois qu’on me le demande».
Selon elle, «toutes les occasions sont propices pour servir le thé, notamment après les repas, quand on a des visiteurs. S’il arrive que pour une raison quelconque, un des membres de la famille rate le repas collectif. Il mange après les autres, et il lui faut absolument ses trois normaux: le premier, le deuxième et le troisième verre».
Les Mauritaniens se racontent la petite anecdote croustillante d’un compatriote en manque qui aurait croqué les feuilles de thé faute de pouvoir les bouillir lors d’un voyage en train de Dakar à Bamako. Un fait qui remonterait aux années 70, etqui illustre parfaitement le lien entre le Mauritanien et le thé.
Oumou Sow, jeune élève originaire de la vallée du fleuve, signale que les sollicitations pour préparer la boisson chaude sont moins fréquentes.
«Cependant, je prépare le thé 2 fois par jour. Ce rythme me laisse largement le temps de réviser mes leçons, la séance des trois théières est bouclée en une trentaine de minutes», confie-t-elle à Maghreb1.
Chez les Sow, la ration de thé est calculée de la même manière que celle réservée à toutes les autres denrées de base (riz, huile, sucre, lait….), ajoute la jeune fille.
Pauvres, issus des classes moyennes, ou riches, les Mauritaniens entretiennent le même rapport étroit avec le thé qu’on sert dans les bureaux, à la maison et qui se vend partout.
Planton quelque part, Tourad s’est spécialisé dans la vente du thé en faisant le tour des administrations. Cette activité lui permet d’arrondir facilement ses fins de mois difficiles en ces temps de crise.
L’importance du thé est illustrée également par le témoignage de Mbareck ould Abdy, vendeur de thé dans un hypermarché de Nouakchott. «Je fais ce travail depuis une trentaine d’années. Le verre est vendu à 5 MRU (1 euro = 41,29 MRU). Mes recettes pendant les jours de vaches grasses peuvent atteindre 500 MRU. Le minimum va toujours au-delà de 200 MRU. Je gagne correctement ma vie grâce à cette activité dans le respect des règles d’hygiène et de propreté», révèle-t-il.
Accros au thé, qu’ils boivent à gorgées homéopathiques plusieurs fois par jour, les Mauritaniens s’exposent-ils à des conséquences sanitaires dommageables?
Une interrogation lancinante à laquelle un spécialiste apporte une réponse non tranchée fournie par le texte de Jeanne Mathis, citant le Dr Sidi ould Zahaf, actuel ministre de la Santé: «Croire que le thé prévient les maux de tête est très répandu. Pourtant, la théine et le sucre qu’il contient ont favorisé l’essor de certaines maladies dans le pays.
Pour les diabétiques, dans les cas d’anémie, d’hypertension artérielle, d’insuffisance cardiovasculaire, le thé est déconseillé, mais les Mauritanien auraient préféré une autre prescription».