Mariage dans le nord du Maroc, un rituel imprégné de l’Andalousie

Par Meriem Rkiouak
Le mariage du nord du Maroc DR
Le mariage du nord du Maroc DR

De tous les événements jalonnant la vie d’un Marocain, le mariage demeure sans conteste l’épisode le plus marquant et le plus sacré, en ce qu’il est le symbole de la pérennité de la communauté et le fondement de base de la cellule familiale. Il est entouré de ce fait d’une armada de traditions religieusement respectées au fil des siècles.Si elle est célébrée en grande pompe partout dans le Maroc, la cérémonie de mariage est davantage ritualisée dans les régions du Nord qui ont hérité d’us et coutumes puisant dans la culture et le mode de vie andalous, caractérisés par un raffinement et un art de vivre qui atteignent leur summum dans le cérémonial de mariage.

Le vent de modernité qui a soufflé sur les sociétés du Nord, notamment Tanger et Tétouan, n’a pas pu emporter dans son sillage les rituels du mariage qui ont résisté à l’épreuve du temps en conservant tout leur éclat qui se reflète dans les aspects vestimentaire, décoratif et esthétique entre autres.

Après la conclusion de l’acte de mariage qui scelle l’union, aux plans religieux et légal entre le couple, les préparatifs battent leur plein pour une organisation impeccable de la fête de mariage, qui est généralement fixée un an après afin de permettre à la mariée de préparer son trousseau (Chouar). Ce n’est pas une mince affaire puisque celui-ci doit contenir une multitude de choses dont la mariée aura besoin durant sa vie conjugale (habits, bijoux, objets de broderie, mouchoirs sertis, couvertures d’oreillers, ustensiles de cuisine…).

Les familles des mariés se réunissent un mois avant la fête pour discuter des mets traditionnels à concocter -notamment les incontournables pâtisseries à base d’amandes, de miel et d’eau de rose-, de la présentation du Chouar de la mariée et d’autres détails relatifs au déroulement de la cérémonie. Le compte à rebours est alors lancé et tout le monde met la main à la pâte, dans un esprit de solidarité, d’entraide et de cohésion familiale encore prédominant dans les provinces du Nord du Royaume.

Le jour précédant la cérémonie est réservé au bain maure (Kharjat El Hammam). Escortée de jeunes femmes parmi les membres de sa famille proches et ses amies, la mariée laisse celles-ci s’occuper de son hygiène personnelle. Le soir, c’est le moment de la fameuse cérémonie de Nbita ou Leilat El Henna au cours de laquelle les mains et les pieds de la jeune femme sont teintés de henné, symbole de fortune, de bonheur et de féminité.

Les festivités se poursuivent le lendemain avec la cérémonie de Dohour Lâarousse (apparition de la mariée), qui consiste, comme son nom l’indique, à montrer aux regards admirateurs de l’assistance, complètement féminine, la mariée luxueusement parée d’habits traditionnels et de bijoux (Takhlila et Chadda), minutieusement assortis par la Neggafa, en fidèle gardienne du temple des us et coutumes de mariage caractéristiques du Nord du Maroc. La beauté et la grâce de la mariée sont mises en valeur à travers plusieurs tenues traditionnelles de différentes couleurs. Ce défilé s’appelle «Tabrizat Laarousse».

Le jour J venu, les convives se rassemblent dans le lieu de cérémonie qui commence, comme le veut la tradition, par la récitation de versets de Coran, des chants panégyriques et la lecture de la Fatiha. Des orchestres et des troupes folkloriques (kachafa, tabbala, neffarine et bardia) divertissent les convives qui dégustent des pâtisseries marocaines dont le «Fekass», «Bechkitou, «Melwza», «Kaab» et autres «Ktayef», et des verres de thé à la menthe en attendant l’apparition de la mariée.

La mariée vole la vedette avec son caftan luxueux, une ceinture large de couleur dorée appelée «Hzam Sam», son «Jnah» qui lui couvre le visage et ses bijoux précieux tels «Labat», «Tazra», «Khanakat», Mdayej», «Khit», «Chiir» et «Tasbih». Le moment fort de la cérémonie de mariage est celui où la mariée monte sur «Al Bouja» ou «Al Amariya», couverte de tissus précieux comme «Charbia», «Kambouch» et «Sabnia de Bhar» et ornée de bouquets de roses, avec un morceau de pain et une ancienne clé, considérés comme des porte-bonheur.

Quant à lui, le marié, habillé d’une Djellaba blanche, d’une «Farajia», d’une chemise brodée, d’un «jabadour» et d’un «pantalon arabe» (Kandrissa) qui lui sont offerts par sa dulcinée, rejoint les festivités à la tête d’un cortège de proches et amis.

A la fin de la cérémonie, la famille du marié, accompagnée de groupes «Gnaoua», «Boukhancha», «Debagha» et «Nekarine», apporte des bouteilles d’eau d’oranger et des cierges à la maison de la mariée, où cette dernière fait ses adieux à ses parents qui lui accordent leur bénédiction en récitant Ayat Al Koursi.

Le cortège nuptial «Al Hawdaj» sillonne ensuite les ruelles et quartiers de la ville en direction de la demeure conjugale où la mère du marié attend sa belle-fille et lui offre des dattes et du lait.

Le lendemain matin, la famille de la mariée lui apporte le petit déjeuner fait de soupe (Hrira), «Msemen», thé, café et gâteaux. Une ultime cérémonie organisée sept jours après la cérémonie et appelée, à juste titre, «Lahzam» – une façon de dire qu’il est temps de se serrer la ceinture et d’assumer les charges de la vie conjugale- clôt les festivités.

En matière de mariage, jeunes et adultes, riches et pauvres, familles conservatrices et modernes, tous s’en tiennent strictement à ce «mode d’emploi» transmis d’une génération à une autre, parce qu’il incarne à leurs yeux l’attachement aux racines et au legs culturel et civilisationnel du Nord du Maroc qui a pu résister à l’épreuve du temps et à la vague d’occidentalisation ayant envahi plusieurs sociétés contemporaines.