Identité et destin

Par Khalil Hachimi Idrissi

Maghreb1 Couv 3

L’héritage culturel maghrébin commun est un fait historique indéniable. Irréfragable. Disons-le tout de suite, cet héritage est une ode à l’altérité. Il est pluriel, amazigh, arabe, andalou, hassani, africain, juif, méditerranéen etc. 

Cette singularité paradoxale maghrébine est une part insécable de l’humanité. Mieux, nous sommes à l’origine, on peut l’énoncer avec fierté, des meilleures pages de la grandiose histoire de cette humanité partagée. 

Comment notre voix si porteuse s’est atténuée? Comment notre corps si épanoui s’est rabougri? Comment notre esprit si fécond s’est enfermé dans une sorte d’autisme identitaire culpabilisé? Comment avons-nous fait pour rendre problématique notre vivre-ensemble pourtant si naturel et si évident? 

Ces questions sont denses et n’appellent pas forcément de réponses instantanées mais elles peuvent avec un peu de chance être le début d’une réflexion salutaire. On ne peut pas exiger des autres de nous voir autrement si, nous, nous ne commençons pas par changer, d’abord, le regard que nous portons sur nous-mêmes. Cela paraît, faussement, simple.

Cela fait plus de six décennies que nous n’arrivons pas à sortir d’un huis-clos scabreux que nous avons avec l’Histoire. Il absorbe toute notre énergie, toutes nos espérances et il obère, irrémédiablement, notre avenir. Une obsession mémorielle mortifère qui mutile tout ce qu’elle touche.

Prisonniers de notre passé, nous nous débattons avec nos propres contradictions, avec nos propres lectures biaisées, avec notre propre cécité volontaire, avec notre conscience tronquée de nous-mêmes, et finalement, avec notre propre mémoire oblitérée. 

Quand allons-nous, ensemble, embrasser l’avenir? Nous ouvrir véritablement sur nous-mêmes et sur les autres? Nous jeter à corps perdus, et de bonne foi, dans la création d’un nouveau monde sans frustrations, sans stigmatisations ni complexes? 

Ces dernières décennies nous avons épuisé tous les thesaurus savants justificateurs.

Toutes les rhétoriques sentencieuses “dédouanantes”. Nous avons tout conceptualisé ou presque. Il reste un concept qui nous résiste obstinément: la responsabilité. Nous n’arrivons pas à définir notre part, ni à l’assumer. Nous n’arrivons pas à la regarder en face, dans le fond des yeux, en toute clairvoyance. 

Il reste que seuls les intellectuels, les créateurs et les artistes maghrébins pourront le faire.

Ils en ont le cœur, ils en ont les moyens et ils en ont l’audace. C’est par eux que passera forcément cette renaissance — notre espoir collectif — que notre peuple attend avec ardeur et qui a tant de mal à émerger.