
Ichtah (danser à l’impératif en Darija) est le nom qu’a donné la danseuse Sara Zniber au mouvement de danse qu’elle a créé dans le but de structurer et valoriser le métier de danseur professionnel au Maroc. En 2021, Mouna Benqlilou la rejoint pour mettre la société en mouvement grâce à la danse et l’art.
Maghreb1: Que signifie la danse pour vous?
Ichtah: Nous pensons que la danse est une force pour le progrès social et humain. Elle anime le corps, engage la volonté, et inspire l’esprit. La danse est un langage universel qui célèbre les différences.
La danse en un mot?
Sara: La danse c’est la liberté.
Mouna: La danse c’est la vie.
Pourquoi Ichtah?
Sara: Chez Ichtah, nous voulons mettre la société en mouvement, grâce à la danse.
Que la danse nous élève au-dessus des barrières perçues. Qu’elle encourage la cohésion, la mixité sociale, l’égalité des chances.
Chez Ichtah, danser se conjugue à l’impératif. C’est un cri du cœur, une rébellion de l’âme contre les carcans. C’est un mouvement vers la liberté. Notre mission est de promouvoir les talents marocains, de professionnaliser et de valoriser les métiers de l’art et de la danse au Maroc (c’est un secteur qui n’est pas extrêmement mature, et encore moins en 2018 lors de la création de Ichtah).
L’idée est de créer la demande pour les artistes pour qu’ils puissent en vivre aussi de l’autre côté, il fallait tout un chantier de professionnalisation et de valorisation des métiers.
Mouna: J’ai rejoint l’aventure ICHTAH en 2021 après avoir rencontré Sara pour une collaboration dans un projet lié à la Danse. Ce qui nous a réunis avec Sara c’est notre passion pour la danse. D’ailleurs, c’est dans une école de danse que nous nous sommes connues très jeunes.
Quant à notre association, elle est le fruit d’une vision commune, créer de l’impact dans notre société. C’est pourquoi ICHTAH évolue aujourd’hui sur des segments fondamentaux pour le développement du Maroc : l’art en tant que vecteur social et outil de communication et l’éducation artistique. Concernant l’éducation, ICHTAH a déjà ouvert son école de Danse avec un programme diversifié touchant toutes les tranches d’âge et ouvrira prochainement une seconde école d’Art et Danse comprenant une programmation de Masterclass dans les domaines liés à l’Art. Concernant la place de l’art au Maroc, nous voulons qu’ICHTAH soit la passerelle entre les artistes et le monde Corporate. D’ailleurs, ceci nous ressemble, car nous sommes toutes les deux à la fois artistes passionnées et issues de carrières professionnelles « conventionnelles ».
Qui sont Sara et Mouna?
Mouna: Mouna Benqlilou, mariée, maman de 2 enfants. Après mon baccalauréat, je suis partie à Paris où j’ai vécu 10 ans. Durant cette période, j’ai cumulé une école d’ingénieurs,un Master spécialisé en techniques financières à l’ESSEC, et plusieurs expériences professionnelles excitantes comme tradeuse sur les marchés financiers. Après cela, j’ai eu le cri de la famille et du coeur qui m’a appelé au Maroc. La famille est primordiale pour moi et le retour auprès des mes proches, mon pays… En parallèle, la danse a toujours fait partie de ma vie.
J’ai commencé à l’âge de 6 ans jusqu’à mes 18 ans de façon très assidue et très engagée. Après 18 ans, je faisais de la danse mais avec les classes préparatoires et les études supérieures, c’était très compliqué pour moi d’allier les deux. Dès que j’ai commencé à avoir une vie professionnelle ou je pouvais me libérer et ou j’avais les moyens de me payer des cours, j’ai repris. Quand je suis rentrée au Maroc, je m’y suis impliquée d’une façon très engagée. Pendant des années, je travaillais en finances et le soir j’allais prendre mes cours de danse et c’est à travers cet écosystème là, que j’ai découvert Ichtah
En 2017, j’ai eu la chance de faire un executive MBA avec Columbia University et Africa Business School où je me suis projetée à lancer un projet dans un monde qui me passionne. En 2021, je franchis le pas en collaborant avec Sara puispuis nous finissons par nous sommes renduesassocier car nous nous rendons compte que nous avons beaucoup de synergie, beaucoup de valeurs communes, et cela s’est transformé en notre association.. Aujourd’hui, je suis ravie d’être la partenaire de Sara sur Ichtah et on a déjà accompli beaucoup de choses en quelques mois. J’en suis ravie et je remercierai toujours Saradans ICHTAH et je la remercie pour la confiance qu’elle m’a accordée pour rejoindre son aventure.
Sara: Je suis une passionnée de danse avant tout, je l’ai toujours été depuis l’âge de 6 ans. La danse a toujours été omniprésente dans ma vie. Même pendant mes études, c’est quelque chose qui a toujours été là en parallèle. J’ai étudié à l’université Paris Dauphine, puis j’ai fait un échange à New York. Durant cette période, j’ai approfondi ma formation en Hip Hop au Broadway Dance Center. En parallèle de mon travail je faisais partie d’une troupe new yorkaise. D’ailleurs,pendant mes années d’études chez EY(Ernst and Young), je disais toujours à mes équipes, à mes supérieurs hiérarchiques que c’est un paquet, c’est Sara plus la danse, l’une ne va pas sans l’autre. Finalement, j’ai voulu vraiment m’y consacrer à 100% en faisant de ma passion mon projet de vie.
Quand j’ai décidé de lancer Ichtah, j’étais toujours à Paris, ça m’a pris 6 mois pour faire mûrir l’idée que j’avais en tête. Je suis rentrée au Maroc en Septembre 2018 et j’ai fondé Ichtah tout de suite, en octobre je l’ai créé juridiquement.
Quel est le déclic qui vous a poussé à fonder Ichtah?
Sara: C’est arrivé comme une évidence, ça faisait déjà quelques années que mes proches me disaient de me lancer. J’ai eu aussi un drame familial qui a un peu accéléré les choses et ça a fait en sorte que je m’y penche de façon drastique. Je me suis dit que la vie est courte et qu’il faut vraiment faire ce qu’on aime.
Mouna: Pour ma part, c’est quand je danse que je me sens vraiment vivante. Je me disais, c’est pas possible de se sentir comme ça juste 10% de son temps. La vie est courte, il faut absolument la vivre à 100% jusqu’au bout et concrétiser ses rêves, et puis, il jamais trop tard.
Comment vous vous êtes rencontrées ?
Mouna: Nous étions dans la même école de danse quand nous étions petites et nous étions aussi dans le même lycée plus tard, on a évolué un peu dans le même milieu et ça nous arrivait de nous rencontrer et de danser ensemble. Je suivais Ichtah, ses activités… j’ai toujours été fan de ce que Sara accomplissait. J’ai voulu monter mon projet et j’ai fait appel à ses prestations pour qu’on collabore. Les discussions nous ont mené à une association sur Ichtah. On s’est complété et on a intégré le projet que j’avais dans le développement. Dès que Sara m’a parlé d’Ichtah, de ses valeurs, de sa mission, c’est devenu pour moi une évidence.
Comment passe-t-on de la finance à la danse?
Sara: Nos années en finance ont constitiué une bonne formation et on la met aujourd’hui au service de la danse. On n’a pas complètement tourné la page, nos acquis en finance nous ont quand même beaucoup servi. Ichtah c’est aussi une passerelle entre le monde Corporate et le monde artistique et on a les bonnes casquettes pour gérer cette transition.
Quel est le style de danse qui reflète le mieux votre personnalité?
Sara: J’adore le hip hop, et aujourd’hui c’est ce qui me fait vibrer mais c’est quelque chose qui peut évoluer. Quand j’étais plus jeune, c’était le classique, ensuite le contemporain. Je pense que c’est en fonction de l’état d’âme du moment. Ça m’arrive de danser avec Mouna du contemporain.
Mouna: Personnellement, la danse qui me fait vibrer c’est la danse contemporaine parce que c’est une danse pleine d’émotions, d’expressions, d’énergies, je me régale. Après je rêve de me diversifier davantage et d’exceller aussi en hip hop.. J’essaie d’évoluer dans chaque type de danse.
Quels sont les aspects plaisants de votre métier actuel?
Sara: Je dirai en premier lieu l’impact. Il y a un vrai impact social. On voit que depuis la création d’Ichtah, il y a pas mal de choses qui ont évolué dans le monde de la danse et c’est très plaisant, la danse en général est beaucoup plus valorisée et on le ressent. Il y a beaucoup plus d’opportunités et les gens s’intéressent à ce qu’on fait.
On porte le drapeau de la danse et c’est gratifiant, on adore être des ambassadeurs de cette discipline.
On le voit aussi au niveau de l’impact social en termes de mixité, on voit à quel point la danse est un vecteur social et une émancipation sociale. En plus de rencontrer des gens passionnés, et d’évoluer dans un environnement artistique.
Mouna: En complément, je vais mettre l’accent sur les relations humaines, les relations dans le cadre artistique sont beaucoup plus intègres et authentiques, Il y a aussi les relations avec l’audience: l’interaction avec le public, les connexions qui se créent, comment le public vit l’événement etc.
C’est toujours énormément d’émotions et c’est gratifiant de se dire qu’il y a aussi cette forme d’impact là, de faire vibrer les gens.
Qu’est ce qui vous différencie d’un studio de danse?
Sara: Nous avons une vraie vision, une vision à long terme.
Mouna: Nous ne sommes pas qu’un studio de danse, nous sommes aussi une agence avec toutes les synergies que cela implique.
Mais Ichtah, avant tout, est un mouvement avec une vision et une mission plus globale et plus importante et ça se ressent dans notre façon de travailler avec les artistes.
Est ce qu’on peut s’y inscrire même si on n’a jamais fait de danse de sa vie?
Sara: Oui, dans le studio de danse, nous avons des cours pour débutants et pour les adultes. Nous organisons aussi des camps, des week end ou on embarque entre 20 et 40 femmes à «The Source Marrakech», un week end 100% danse ou il y a des cours d’initiation à la danse hip hop, contemporaine, afro, à la danse sur talons…
Mouna: On peut commencer la danse à 3 ans comme on peut la commencer à 60 ans, elle s’adresse à tous les âges, elle est omniprésente et transgénérationnelle.
Que pensez-vous du monde de la danse au Maghreb?
C’est en voie de développement, il commence à y avoir de plus en plus d’intérêt. Le regard qu’on porte sur la danse est beaucoup plus positif aujourd’hui qu’il y a quelques années au maghreb. Par contre on a rien à envier à l’etranger côté talents, on a de vrais talents.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite se mettre à danser?
Sara: Il faut s’accrocher au début et après c’est que du kiff!
Mouna: On danse généralement devant un miroir, il y a parfois de l’auto jugements, donc il faut y aller avec un mindset de lâcher prise positif et s’accrocher. On voit très rapidement les progrès.