Chamsoncanvas, reine du dessin au trait

Par Zineb Bouazzaoui
Des oeuvres de Chama Chraibi
Des oeuvres de Chama Chraibi

Chama Chraibi, aussi connue sous le nom Chamsoncanvas sur Instagram, est une jeune artiste de 26 ans qui réalise des œuvres abstraites aux palettes de couleurs vives. Originaire de Casablanca, elle est influencée par l’utilisation de la technique du one-line drawing pour simplifier et représenter le monde complexe qui l’entoure en une seule ligne continue. L’esthétique de ses œuvres reflète un autre monde rempli d’une cohérence chromatique et d’une riche décoration.

Connue pour son style de dessin minimaliste, elle se concentre sur la composition d’œuvres explorant les lignes et les visages, explorant l’ambiguïté des expressions humaines. Elle cherche à créer un langage purement graphique.

 

Maghreb1: D’où est venue cette passion pour l’art?

 

Chama Chraibi: J’ai toujours eu cette passion pour l’art, pour l’esthétisme, pour tout ce qui est visuellement plaisant. Je dirai que je l’ai développé depuis toute petite parce que j’ai toujours baigné dans l’art, ma mère était artiste, elle faisait de la peinture, de la couture…Elle touchait un peu à tout. A la base, c’est d’elle que je tiens mon talent qui s’est développé au fur et à mesure des années. En grandissant, à chaque fois que je voyageais, j’aimais beaucoup aller aux musées, contempler des expositions, participer à des ateliers créatifs ou à des cours autour de l’art. 

 

Vous faites de la sculpture, du dessin, des vases abstraits...Lequel vous met le plus à l’aise?

 

Oui effectivement, j’explore plusieurs supports: je fais de la sculpture, du dessin, de la céramique, des murales, des autocollants adhésifs pour les vitres… Je me sens à l’aise dans la création, tant que c’est dans le monde de la création et tant que j’explore et que j’apprends ça me va. J’ai cet aspect de recherche et d’apprentissage, j’aime apprendre à travailler avec une nouvelle matière, de nouveaux produits, de nouvelles méthodes de réalisation de ce que j’imagine comme création, parce que de l’imagination au croquis et au dessin, il y a beaucoup de choses à expérimenter en utilisant différentes matières et techniques. A travers tout ce que je fais, on retrouve quand même mon identité abstraite et contemporaine et donc j’aime bien cet aspect de décliner sur plusieurs créations.

 

Pourquoi avez-vous opté pour la technique du one-line drawing? Comment l’idée est-elle venue?

J’ai toujours aimé la technique du one line drawing, même avant de faire de l’art j’adorais ça. D’ailleurs, quand j’étais étudiante je faisais souvent ça sur mes propres photos, je prenais des selfies et je retraçais mon visage en line drawing. Quand je la voyais chez Picasso ou Miro c’est vraiment le style d’art qui m’a toujours attiré, et petit à petit j’ai commencé à l’adopter aussi.

 

Que cherchez-vous à communiquer à travers vos œuvres d’art?

 

Je dirai que souvent le message est très différent selon la nature de chaque œuvre.Quelques unes peuvent être très puissantes en reflétant un message fort et un parti pris et d’autres qui cherchent à intriguer l’audience dans lesquelles il y a des visages cachés que j’arrive à apercevoir. Il m’arrive de voir un visage à travers les lignes ou les formes graphiques que je dessine mais les gens ne voient pas toujours la même chose. C’est vraiment ce côté là qui me fascine, cette interaction avec les personnes qui regardent mes œuvres. D’ailleurs, je suis toujours intéressée par la façon dont le cerveau humain interprète l’œuvre et, des fois, il peut même voir des choses que je n’ai pas vu. Je vois ça comme une sorte d’illusion optique, je suis une grande fan de la paréidolie, ce phénomène psychologique qui consiste en le fait de voir des formes et des visages dans la nature ou dans des objets. C’est limite devenu une sorte d’obsession chez moi. 

 

Quelles sont vos sources d’inspiration?

 

Je n’ai pas une source d’inspiration particulière, je dirai qu’elle se développe tous les jours en fonction des nouveaux paysages que je découvre, des nouveaux endroits où je vais, des textures que je sens autour de moi. J’ai toujours eu ce côté très observateur depuis toute petite donc je suis tout le temps en train de voir les couleurs, les lignes, je suis également très attachée aux chiffres. C’est à dire que quand je suis dehors, je regarde vraiment tout autour de moi. J’adore les lignes et les gribouillages dans tous les sens, c’est mon quotidien. Des fois, sur la route, ça m’arrive d’imaginer un camion avec des expressions faciales (les phares  avant comme des yeux par exemple) … Donc souvent, l’inspiration peut venir au moment le plus inattendu, une toile peut me prendre 3 mois, et le dernier jour je peux la finir en 24h.

Sinon pour ce qui est des artistes que j’aime et qui m’inspirent beaucoup, il y a Picasso, Matisse, Miro, Rothko, Louise Bourgeois, Fernand Léger…Ils ont des styles particuliers mais j’apprécie beaucoup leurs œuvres. 

 

Le farceur, la sereine, la précieuse, que se cache-t-il derrière ces profils? 

 

Ce sont les noms que j’ai donnés aux premiers visages abstraits que j’ai réalisés. Ce sont des dessins que j’ai fait en suivant mon inspiration d’une façon spontanée, ensuite je leur ai donné ces noms en fonction de ce que je ressentais et surtout en fonction de la personnalité qu’ils dégageaient. Si vous voyez «la Sereine» par exemple, c’est une sculpture qui a vraiment l’air sereine dans la manière dont elle est posée avec son petit œil fermé. Ce qui est drôle c’est que beaucoup de personnes ont vu «la Précieuse» comme un autoportrait alors que ce n’est pas du tout fait exprès.

 

Qu’est ce que ça vous fait de voir vos œuvres sur des bougies, des chaussures, des vases...?

 

Le fait de voir mes œuvres sur des réalisations que j’ai eu la chance de faire à travers des collaborations notamment pour les bougies et les babouches me fait énormément plaisir.

Franchement, je suis très heureuse du rendu. Le fait de croiser des personnes dans la rue qui portent ces babouches ou d’aller chez quelqu’un et de trouver chez lui les bougies, me surprend à chaque fois et ça me fait très chaud au cœur. Je suis très fière de ces collaborations, parce que ça a abouti à de super belles réalisations.

 

En quoi Maamora est-elle différente des autres œuvres? Que signifie-t-elle pour vous?

 

La technique est très différente. C’est une réalisation à la technique mixte sur toile. C’est une œuvre très abstraite qui a de la texture et du relief, c’est un style d’art que j’aime. J’adore tout ce qui devient un peu 3D et tout ce qui sort du style de la toile simple. Encore une fois, je lui ai donné le titre après l’avoir réalisé. J’ai fait plusieurs expérimentations avant de la finaliser, car c’est une matière qui n’est pas utilisée dans le domaine de l’art à la base. Je lui ai donné ce titre car c’est un triptyque en «forest green» (vert de forêt ou vert bouteille), ma couleur préférée, et Maamora fait illusion à la forêt de Kenitra.

 

Comment avez vous eu l’idée de faire une sculpture monochrome de la sereine?

 

J’ai toujours adoré les installations 3D, ça m’a toujours attiré plus que les tableaux. Quand j’allais au musée ou dans des expositions, j’aimais souvent voir les créations en sculpture; par exemple, une araignée géante de Louise Bourgeois qui me fascine toujours ou encore l’immobile d’Alexander Calder. C’est venu naturellement parce que, justement, avec mes dessins du one-line drawing, c’est possible de créer des œuvres en format 3D en ligne de fer continue, chose qui m’a permis de lancer ma collection en édition limitée de sculptures monochromes et polychromes.

 

Quel genre de collaborations vous fait le plus rêver en ce moment?

 

Franchement, je suis très fière des collaborations que j’ai faite à l’heure d’aujourd’hui. Donc, je ne dirai pas que j’ai un style spécial de collaborations qui me fait rêver. 

 

Quels sont vos projets futurs?

 

Je travaille actuellement sur de très beaux projets. J’ai hâte que vous puissiez découvrir tout ce qui arrive. J’aimerai juste continuer, jour après jour, d’explorer d’autres pistes créatives sur lesquelles je suis, de m’épanouir dans mon domaine, de me surpasser et d’avoir l’occasion de rencontrer toutes ces belles personnes qui ont la soif de créer et qui sont sensibles à l’art.